Certains élèves souffrent à l’école. Et davantage quand ils sont de milieux défavorisés que lorsqu’ils sont de familles offrant toutes les garanties de succès scolaire. Réalisé depuis trois ans par l’Association de la fondation des étudiants pour la ville (AFEV), le baromètre annuel du rapport à l’école des enfants de quartiers populaires a mis l’accent cette année sur « les souffrances à l’école » des élèves de milieux défavorisés. Rencontre avec Natacha et Farid, deux collégiens de 4e aux allures encore enfantines, scolarisés à Vénissieux dans deux collèges différents.
L’idée de cette rencontre, je la dois à une infirmière qui, au cours d’une conversation, m’avait alertée sur la souffrance de certains enfants en échec. “On a toujours l’impression que tous ces gamins mettent la pagaille, se font remarquer comme ils le peuvent. Pour certains c’est tout à fait vrai, mais d’autres en revanche sont réellement mal”, précisait la jeune femme qui souhaite garder l’anonymat. Régulièrement, ils viennent frapper aux portes des infirmeries pour dire leurs maux de ventre, leurs angoisses, leur échec et leur manque de confiance en eux.
Au début de la rencontre, Natacha et Farid sont inquiets. Ils n’osent pas quitter leur blouson, comme s‘ils avaient envie que l’interview se passe au plus vite. Natacha ne cesse de tripoter les lanières de son cartable. Finalement, c’est elle qui intervient. “Je n’aime pas l’école. Déjà en primaire, je n’arrivais pas toujours à suivre. À la maison, nous sommes nombreux, pour faire mon travail je devais rester à l’étude. Je trouvais les journées très longues. J’ai fait avec. Au collège je m’ennuie. J’écoute sans entendre. Sincèrement je préférerais rester à la maison. Ce mal-être a commencé à l’arrivée au collège. Souvent j’envie les premiers de la classe ! J’ai peur des mauvaises notes dans certaines matières : je n’arrive pas à m’y habituer. J’aimerais vraiment y être indifférente mais pour moi c’est impossible. »
Farid exprime la peur de ne pas répondre aux attentes de ses enseignants. “On nous dit, il faut que tu aies la moyenne pour passer. Et quand on ne l’a pas et qu’on travaille quand même, comment fait-on ? À la maison, personne ne peut me donner un coup de main. Et maman ne peut pas m’offrir des cours particuliers. Alors je reste aux études, je fais le maximum. Quand je dis à ma mère que je ne suis pas très bien, elle me répond que j’ai de la chance d’être au collège. Elle ne me comprend pas toujours, mais je ne lui en veux pas. » Et puis il y a parfois des phrases d’enseignants qui font mal : “En 6e, il y a un prof qui m’a dit que j’étais un incapable. Ce n’était pas très utile qu’il me le dise puisque je le savais déjà. Cela m’a fait mal”. Natacha : “Ici, ils sont plus agréables car ils sentent que je travaille. Je ne mets pas le bazar ! Je me souviens d’une prof de mathématiques qui nous expliquait tant que toute la classe n’avait pas compris. Elle n’hésitait pas à recommencer. Et quand les doués soupiraient, elle leur donnait des exos et elle venait vers nous. Elle nous encourageait tout le temps.”
Dans l’enquête réalisée pour l’AFEV, les élèves en grande difficulté des quartiers populaires sont 57,2 % à percevoir leurs enseignants de manière positive et à estimer qu’ils s’intéressent à eux. En revanche certains gamins en échec présentent de vrais symptômes : mal de ventre, crise d’angoisse… Ils seraient, dans les quartiers populaires, 39 % à se plaindre de troubles du sommeil et 35,9 % de maux de ventre qu’ils attribuent pour un tiers au stress lié à leur scolarité.
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