« Disponible et passionné, spontané et déterminé, en un mot primesautier.” Ce sont les qualificatifs que Daniel Camilli, vice-président délégué de l’OMS, a choisis samedi 8 janvier pour évoquer le Dr Jacques Girardier qui, après 27 années de service, vient de quitter le centre de médecine du sport installé au cœur du complexe Laurent-Gérin, à Vénissieux.
Il aurait pu ajouter que ce spécialiste d’athlétisme (400 m) possède un caractère bien trempé, ce que ne laissent pas présager les bouclettes en désordre et les lunettes rondes d’éternel étudiant. Ainsi, quand on lui fait remarquer que chaque année depuis 1983, il a dû assurer un millier de consultations dans son cabinet, il dégaine : “Ma plus grande fierté, c’est d’avoir été un homme de terrain. Je n’étais pas fait pour devenir un médecin de ville. J’ai toujours su ce qu’il me fallait même si ce sont souvent les événements qui sont venus à moi. Ainsi, j’ai opté pour la médecine du sport en 1980, un peu par hasard. J’avais traîné lors de mes années de médecine jusqu’à ce que mon directeur de thèse me propose de travailler sur “les fractures ostéochondrales”. Ce sujet, personne n’en voulait vraiment. Je m’y suis mis à fond, ma thèse est devenue une référence. Mon embauche à Vénissieux s’est faite un peu de la même façon… »
“J’ai eu beaucoup de chance de découvrir cette ville et d’y travailler, moi qui suis plutôt originaire de l’Ouest Lyonnais, s’enthousiasme le toubib. C’est Jean Généty, alors adjoint aux sports de Lyon mais surtout chef de service de médecine du sport à l’hôpital Édouard-Herriot, qui avait recommandé au service des sports de me contacter pour la place de médecin. Après discussion avec Daniel Camilli, le directeur, j’ai différé ma réponse. On m’a relancé et j’ai finalement accepté : on me laissait en effet une grande liberté d’action, comme celle de continuer à être présent à l’hôpital Édouard-Herriot, les lundis.”
Autre chance, celle d’avoir fait des rencontres qu’il qualifie de “décisives et même essentielles pour quatre ou cinq d’entre elles”. D’abord Jean Généty, son “maître”. Ensuite Pierre Micollet, kinésithérapeute libéral à Vénissieux. “C’est lui qui m’a aidé à comprendre qu’il n’y avait pas que le médical à prendre en compte dans un diagnostic. J’ai admis que derrière la traumatologie, il y a le fonctionnel. Exit l’enchaînement : Un Homme-Une Pathologie-Un Diagnostic-Un Traitement. J’ai su qu’il fallait mettre en place une autre logique fondée sur la stratégie. Qu’il s’agisse d’un athlète de très haut niveau ou du pratiquant du week-end, on se devait de répondre à l’exigence de la pratique sportive et suivre un patient du premier diagnostic jusqu’aux soins. Cela m’a été facilité par l’exercice hospitalier. Ainsi, avec Pierre, on a réussi à mettre en place un système de soins cohérent au service du très haut niveau comme des manifestations de masse telles que la Foulée vénissiane ou les 24 heures de natation.
“Je ne peux dissocier certains responsables de clubs qui ont vraiment fait avancer les choses : l’entraîneur croate Sead Hasanefendic avec qui le HBV 85 a réalisé le doublé coupe-championnat en 1992. Plusieurs handballeurs vénissians composeront quelques mois plus tard, aux JO de Barcelone, l’équipe des Barjots. Je pense aussi à Fabrice Verbrugghe (natation), à Luc Denuelle (basket), à Gilles Malfondet (handball). Grâce à ces entraîneurs, j’ai eu la satisfaction d’avoir dispensé plus que des soins basiques. On a amélioré la prévention, on a fait évoluer la médecine. Par exemple, on a imaginé dès 1983 des stages de football pour les jeunes en appui sur l’USV au cours desquels des séances pédagogiques étaient axées sur autre chose que le foot pur, comme le respect de règles d’hygiène. L’idée a été reprise par l’OL.”
Derniers volets et non des moindres dans la carrière du docteur Girardier, sa collaboration avec la fédération française de hand-ball : il est médecin de la ligue, membre de la commission médicale nationale chargée de la formation des cadres, médecin et coordinateur médical des équipes féminines de jeunes. Et son implication dans la lutte contre le dopage. “Après la 2e Loi Bambuck de juin 1989 et la mise en place de la commission nationale de lutte contre le dopage, j’ai été sollicité pour devenir médecin régional chargé de la lutte contre le dopage. Cet engagement coïncidait avec mes valeurs, tournées vers l’éthique du sport. Les contrôles se sont multipliés dans le monde sportif, mais on ne se contentait plus de faire de la répression : la création de structures de soins et la prise en charge thérapeutique des sportifs nous ont amenés à nous tourner davantage vers la mission éducative de la prévention.”
La prévention des accidents cardiaques
Un des plus récents combats dans lequel s’est engagé le docteur Girardier tient dans la prévention du phénomène de “mort subite” dont trop de sportifs sont victimes, notamment des jeunes. Quand il évoque le tragique événement survenu le 30 mai 2009 à Vénissieux, le regard du doc’ laisse passer une fêlure. Appelé en urgence au gymnase Jacques-Anquetil ce samedi-là, il ne put que constater le décès de Maxime Candau, victime d’un arrêt cardiaque sur le parquet. Le jeune homme, qui évoluait sous le n° 14 au Saint-Raphaël Var Handball, était capitaine de l’équipe de France. Il venait d’avoir 16 ans. “Quand j’ai été totalement certain du décès de Maxime, ma tête est passée totalement en mode médical. Plus de place pour l’affectif. Ma principale préoccupation a été alors de scruter le visage des personnes autour de lui, le kiné, l’entraîneur, les joueurs… Il fallait que je m’occupe rapidement d’eux. Ils étaient devenus l’urgence. C’est dur à dire mais pour Maxime, on ne pouvait plus rien faire.”
Depuis ce drame, Pascal Candau, le papa de Maxime, est devenu proche de Jacques Girardier. Le père en deuil s’est appuyé sur le médecin pour fonder l’association “14” dont l’objectif est la prévention des accidents cardio-vasculaires pouvant déboucher sur la mort subite du sportif. Une association qui a édicté avec le Club des cardiologues du sport dix règles d’or préventives simples à respecter pour toute pratique sportive, afin que de tels drames ne se reproduisent plus.
Et maintenant, que va faire le doc’? Pas question de rouiller. Il va même avoir besoin de son agenda pour ne pas manquer les nombreux rendez-vous qui y sont déjà notés. “Je vais rester dans le milieu du handball quelque temps, me replonger dans mes deux passions que sont les rallyes automobiles et la photo, et m’installer en Suisse, le pays de ma femme. Après on verra bien.”
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