Il a été imprimé à 8 000 exemplaires au moment de sa sortie, le 20 octobre. Neuf réimpressions plus tard, il s’en est vendu plus de 400 000 unités. “Indignez-vous”, de Stéphane Hessel, est en tête des ventes de livres, toutes catégories confondues. Ce cri d’indignation, qui a accompagné les semaines de mobilisation contre la réforme des retraites, le maire de Vénissieux a voulu le prolonger au moment d’adresser ses vœux pour l’année 2011 aux associations et personnalités de la commune. Dans une salle Irène-Joliot-Curie emplie de plusieurs centaines de personnes, Michèle Picard a repris plusieurs fois l’appel de l’ancien résistant et déporté, qui participa à l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. “Un seul mot d’ordre, court, mais tellement juste : indignez-vous !”
Elles ne manquent pas, il est vrai, les raisons de s’indigner. Le maire a martelé des chiffres qui en disent long sur l’état de délitement de notre société : 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, 2 millions d’enfants qui ont faim, 10 millions de nos concitoyens frappés par la crise du logement, 43 % des jeunes hommes et 37 % des jeunes femmes des quartiers populaires au chômage, 35 % des Français qui reportent leurs soins de santé faute de moyens… “Je pourrais continuer ainsi toute la soirée à recenser les friches et les ruines que nous allons laisser à nos enfants si nous poursuivons dans cette voie. Notre société explose sous nos yeux (…). Alors oui, l’heure est à l’indignation, indignation nécessaire mais pas suffisante si elle ne se transforme pas en mobilisation, en unité populaire et contestataire. Car sur le fond, le problème n’est pas de limiter les excès de ce système, mais de l’arrêter et d’en changer.”
Et Michèle Picard de rappeler la responsabilité écrasante du capitalisme financier : “Ce sont les spéculateurs et les traders, appuyés par les politiques du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE), qui demandent aujourd’hui aux États d’opérer des coupes drastiques dans les budgets et de présenter la note aux peuples.”
Pour le maire, “cette politique de la terre brûlée (…) hypothèque l’avenir des prochaines générations, avec une éducation et des formations à moindre coût, une recherche et une production industrielle abandonnées par l’État.” Michèle Picard parle même d’un retour du déterminisme social : “Né pauvre, vous finirez pauvre avec, entre les deux étapes, un parcours tout tracé : l’accès à une éducation du pauvre, à des métiers de pauvre, à des soins du pauvre, à des salaires, des logements et des retraites de pauvre.” Et sur ce terreau-là, le maire craint plus que tout “le ressentiment et le rejet de l’autre (…), le populisme qui s’enracine aussi bien dans les esprits et les idées que dans les urnes partout en Europe.”
Défendre l’industrie
Face à de tels périls, que peut faire une ville, avec ses associations, ses entreprises, ses acteurs culturels et sportifs ? “La question qui est devant nous, et face à laquelle personne ne doit tricher, soulignait Michèle Picard, c’est de savoir jusqu’à quand les villes pourront forcer l’étau que l’État met en place.” Ce qui rend d’autant plus précieux l’engagement des acteurs locaux. “Je tiens ici à louer l’action des services, du milieu associatif, du milieu économique, des mondes de l’éducation, du sport et de la création, qui travaillent au jour le jour pour le développement de notre ville.”
Le maire a cité un exemple parlant, celui du cinéma Gérard-Philipe, dont l’agrandissement est contesté par les poids lourds de l’industrie du spectacle, alors que la Ville résiste pour que les salles obscures restent accessibles au plus grand nombre. Avec succès : sa fréquentation a doublé depuis sa réouverture en avril 2009, passant de 40 000 à 80 000 entrées.
Au-delà d’un appel à l’indignation générale, Michèle Picard a lancé deux autres appels plus ciblés. Le premier pour une défense de notre tissu industriel, très affaibli ces dernières années : “C’est grave, extrêmement grave, et je demande solennellement à tous les Vénissians, aux forces politiques, économiques, syndicales, de se battre ensemble contre la liquidation de notre patrimoine.” Le second pour s’opposer à la violence, en écho à l’incendie qui a ravagé le Centre nautique intercommunal (CNI) fin novembre : “Il nous faut être plus solidaires, plus unis encore pour dire non à cette violence gratuite, aveugle, qui ronge la vie de nos quartiers. L’assurance que je peux donner aux Vénissians, c’est que nous sortirons plus forts et par le haut de ce sinistre intolérable.”
Le maire a terminé son allocution par une nouvelle invitation à refuser la résignation, en citant Ambroise Croizat, celui que l’on appelait “le ministre des Travailleurs”, le créateur de la Sécurité sociale en 1945 -au sortir de la deuxième Guerre mondiale-, qui puisait ses convictions dans ces mots transmis par son père : “Ne plie pas petit. Marche dignement. Le siècle s’ouvre pour toi. »
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