“Si l’entreprise est managée d’une façon déloyale vis-à-vis des salariés, ils apprendront vite à se montrer déloyaux eux-mêmes”. Voilà ce que l’on pouvait lire en tête du tract distribué ce jeudi 23 décembre, dès 6 heures du matin, à l’entrée principale de Carrefour Vénissieux. Sur les quelque 690 employés, ils étaient environ 150 à avoir cessé le travail. Du jamais vu à cette époque de l’année où le magasin réalise un chiffre d’affaires record.
“Le personnel est conscient de l’importance de cette période pour l’entreprise, souligne Hervé Hernandez, délégué FO. D’habitude tout le monde est sur le pont pour faire le maximum, mais il arrive un moment où on ne se sent plus respecté. Le dialogue social ne fonctionne plus. La seule façon de nous faire entendre, c’est de les toucher au porte-monnaie. C’est ce qu’on fait aujourd’hui.”
Outre FO, la CGT et la CFDT ont également appelé à la grève. Mais parmi les grévistes on croisait des non syndiqués. Comme ce pâtissier, 20 ans d’ancienneté, qui quittait son poste pour la première fois de sa carrière. Les salariés dénoncent une lente et ancienne détérioration des conditions de travail, des salaires qui ne progressent pas et des suppressions continuelles de postes, notamment aux caisses. C’est toutefois le NMO qui a fait déborder le vase de la colère, autrement dit le Nouveau modèle opérationnel. Derrière ce terme abscons se cache une transformation profonde de l’organisation du travail. “Déjà, ils ont décidé de supprimer le travail par secteur, explique Sacha Tarassioux, délégué CGT. Jusqu’à maintenant, au sein de chaque secteur, nous pouvions faire différentes tâches ; à l’avenir ils veulent spécialiser les équipes sur des tâches uniques et répétitives dans tout le magasin. Le personnel vit cela comme une déprofessionnalisation, un déclassement, une déresponsabilisation aussi. Mais c’est surtout l’introduction du travail de nuit qui ne passe pas. Aujourd’hui, les premières équipes embauchent à 4 heures ; demain on ferait de la mise en rayons de 23 heures à 6 heures.”
La direction de Carrefour dit vouloir améliorer le service au client et sa productivité. Le système est expérimenté depuis juin dans deux hypermarchés, à Bègles (Gironde) et à Villiers-en-Bière (Seine-Maritime). Et il doit être appliqué à partir de fin janvier à quinze autres magasins du groupe, dont celui de Vénissieux. Avant de décider la grève, les syndicats vénissians ont organisé deux débrayages, les 21 et 22 décembre. Mais la direction est restée inflexible sur le NMO. La grève entamée ce jeudi devrait se prolonger demain, jour du réveillon de Noël.
Les salariés ont reçu ce matin le soutien des élus communistes de Vénissieux. Le maire, Michèle Picard, était accompagné du député André Gerin ainsi que de plusieurs adjoints. “Carrefour ne découvre pas le travail de nuit”, a confié Michèle Picard aux grévistes, leur faisant part de sa propre expérience, voici quelques années, dans un centre de traitement des chèques bancaires. “Carrefour était un des plus gros clients. On travaillait toute la nuit dans des conditions très difficiles. Aujourd’hui, ils veulent vous imposer ce que j’ai subi hier avec d’autres femmes. Nous sommes résolument à vos côtés.”
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