On n’y peut rien, c’est toujours un peu pareil. La première écoute d’un disque est souvent superficielle, on fait forcément quelque chose d’autre à côté et on attend d’être surpris.
Dans le cas précis de « Cosmographes », le nouvel album du groupe Antiquarks, pas de souci à avoir : l’oreille s’arrête immédiatement sur ce qu’elle entend. Et pendant que vous finissez cette fameuse autre chose, en l’occurrence dans le cas présent la conduite d’une voiture, vos idées carburent : « c’est pas mal ce saxo, il sonne bien jazz ! ». Seulement voilà, lorsqu’enfin vous stoppez le véhicule et que vous regardez d’un peu plus près la pochette, il faut vous rendre à l’évidence : aucun saxo n’est présent sur les enregistrements. Il y a bien un mélodica, un cor d’harmonie voire une vielle à roue ; mais ce n’est quand même pas elle qui sonnait comme un saxo !
Tout est ainsi dans « Cosmographes », bourré d’autant de faux-semblants que dans le film du même nom de David Cronenberg. C’est comme les paroles des différents morceaux, toutes signées par Richard Monségu : vous n’avez reconnu aucune langue, en afficheriez-vous une dizaine dans votre polyglottisme… Peut-être un peu d’anglais ici ? De l’italien ? Alors, les plus malins, ceux qui jouent aux frimeurs, affirment qu’il y a encore dans ce CD quelques gnawas échappés des pupitres d’Archie Shepp, de Joachim Kühn ou d’Ornette Coleman. Ou alors, sans doute ces textes s’écrivent-ils en sanskrit, débarquant tout droit d’une composition de John McLaughlin pour Shakti ? Finalement, ne seraient-ils pas tous issus d’une langue inventée, la plus belle de toutes puisque, sans saisir le sens, on est malgré tout sous le charme.
Composé, arrangé et pré-produit par Richard Monségu et Sébastien Tron, « Cosmographes » est, on le saisit très rapidement, en dehors de toutes les modes actuelles. Ses mélodies envoutantes nous ramènent à quelques groupes tant aimés des années soixante-dix, de Grateful Dead, tendance “Blues for Allah”, à Yes (souvenez-vous “The Gates of Delirium”) et King Crimson en plus jazzy. Richard (chant, batterie, percussions), Sébastien (vielle à roue électroacoustique, piano, voix, claviers, mélodica, samples) et les autres musiciens du groupe, Jean-Claver Tchoumi à la basse et à la guitare, Guillaume Lavergne au cor d’harmonie et à la guitare, Julien Patrac à la guitare nous entraînent à leur suite dans un voyage comme seuls savaient nous en procurer les albums concepts de ces mêmes années soixante-dix.
« Cosmographes » n’a rien à voir avec une compilation d’une dizaine de chansons. Les huit titres qui le composent ont un lien très fort entre eux. Et chacun d’eux nous renvoie à une destination particulière, des isefra de la poésie berbère pour le premier à l’Antiquité grecque pour le dernier (avec Philia, le mot grec qui exprime l’amour inconditionnel et qu’on retrouve chez Aristote). Dans l’esprit de ses créateurs, l’album évoque la Renaissance : il est vrai que la présence du latin dans certains titres et du mot « cosmographes » lui-même peuvent l’identifier à cette époque. Qu’il s’agisse d’Aristote ou de Galilée, de jazz ou de rock planant, de berbère ou d’une autre langue, chaque note, chaque style, chaque idée réveille en nous de vagues souvenirs ; ou un univers enfoui (du grec cosmos) que les notes redessinent et ravivent. En tout cas un sentiment de proximité avec ce que l’on entend.
Antiquarks, bande de petits malins : vous finissez sur Philia et l’on n’est pas loin de porter un amour inconditionnel à votre petite cosmogonie portative.
L’album sort en janvier 2011 et, d’ici peu de temps, Antiquarks sera bien connu des Vénissians. Après une résidence Bizarre ! à la salle Érik-Satie, le groupe prépare pour les prochaines Fêtes escales un grand projet, “Urban Globetrotters”, qui mêlera la musique, la danse, le foot, le slam, etc. En vous inscrivant aux multiples ateliers qu’ils animeront, n’hésitez pas à leur dire tout le bien que vous pensez de “Cosmographes”. Ils apprécieront forcément.
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