Ce n’est qu’une photographie partielle de la précarité, composée à partir des seules statistiques d’accueil du Secours catholique. Les chiffres sont néanmoins frappants : en 2009, l’association a rencontré, accompagné ou aidé 1 480 000 personnes, 80 000 de plus que l’année précédente, qui avait déjà été marquée par une hausse par rapport à 2007. Le niveau de vie moyen individuel est de 548 euros, bien en dessous du seuil de pauvreté qui s’établit à 949 euros. Très clairement, ce rapport met en évidence l’impact de la crise économique, à travers la hausse du nombre d’actifs accueillis (62 % du total, dont 41,9 % en recherche d’emploi) et la part des jeunes (52 % de moins de 40 ans), tout comme celle des couples avec enfants (22 %). Le travail statistique du Secours catholique est d’autant plus intéressant qu’il comporte une étude précise menée sur les budgets de plus de mille ménages. Il ne s’agit pas de personnes en situation de grande exclusion, mais bénéficiant de ressources financières limitées : allocations chômage, minima sociaux, petits boulots… La majorité cachée de la pauvreté. Ces ménages, avec un revenu mensuel médian de 759 euros, ne peuvent s’en sortir. Une fois réglées les dépenses contraintes en début de mois (loyer, énergie, transport, eau, frais scolaires…), qui représentent 68 % du budget, il leur reste environ 250 euros pour se nourrir, se vêtir, se soigner et payer les dettes accumulées. Rigoureusement impossible. Sauf à tomber un peu plus dans l’endettement.
Gérard Raulin, membre de l’équipe vénissiane du Secours catholique (dont le local est situé 14, avenue Jean-Cagne) observe qu’ “il y a de plus en plus de gens apparemment intégrés dans la société dont la situation se dégrade. On a le sentiment d’un glissement progressif vers le bas qui touche M. et Mme Tout-le-monde.” Pour ce bénévole très investi, ces chiffres tordent également le cou à l’idée fausse selon laquelle les pauvres ne sauraient pas gérer leur budget. “La réalité c’est qu’ils n’ont pas de budget !”
À Vénissieux, le Secours Catholique a accueilli en 2009 environ 500 personnes, 200 de plus que l’année précédente. Une augmentation qui recoupe donc les observations nationales. Même si localement, plus que les aides financières d’urgence, ce sont les demandes d’accompagnement pour les démarches administratives qui ont le plus progressé. Cela traduit la défiance de l’administration française qui, pour débusquer de prétendus fraudeurs, a complexifié les démarches à suivre. “Comme si toutes les personnes en difficulté étaient des tricheurs en puissance, se désole Gérard Raulin. Quand vous êtes précaires, vous avez intérêt à être très soigneux avec vos papiers, plus que la normale, sinon vous basculez vite dans l’extrême précarité ! Il faut changer le regard des individus comme de la nation sur les pauvres. Dans leur immense majorité, ce ne sont ni des mauvais gestionnaires ni des tricheurs !”
27 % des Vénissians en dessous du seuil de pauvreté
Outre les données fournies par le Secours catholique, tous les indicateurs disponibles montrent une aggravation de la précarité à Vénissieux. Fin 2009, la ville comptait 5 328 chômeurs pour 25 000 actifs, soit un taux de chômage supérieur à 20 %. Le nombre de bénéficiaires du RSA (Revenu de solidarité active) est de 3 500. On estime que 27 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (909 euros), presque le double du niveau national.
Toujours en 2009, les Restos du cœur ont vu doubler le nombre de familles accueillies (1 000), tandis que le Secours populaire constatait une augmentation de 17 % (560 familles). 11 400 personnes se sont adressées au CCAS (centre communal d’action sociale), soit 10 % de plus qu’en 2008, pour un montant global d’aides de 365 000 euros. Aux deux tiers de l’année 2010, ce montant était déjà en augmentation de 14 %.