À part cela, comment le présenter ? Comme un musicien ? Un sociologue ? Le prochain fil rouge des Fêtes escales, avec son groupe Antiquarks ? Ce Vénissian qui habite Monmousseau depuis 1991 est tout cela à la fois et beaucoup plus encore.
Gascon d’origine, Richard fait remonter son goût pour la musique à sa petite enfance. “J’écoutais de la variété française et je pleurais : Gérard Lenormand, “Les divorcés” de Michel Delpech. J’avais 3 ans et mes parents venaient de divorcer, je trouvais là un refuge affectif. Dans les années soixante-dix, mon père était DJ dans les boîtes de nuit et batteur de rock. J’ai alors écouté tout ce qui sortait : le disco, Cerrone, Santana, Pink Floyd, Bob Seger, Chicago Transit Authority… J’ai tout pris. Avec un petit magnétophone, j’ai même fait une compil’ de Bob Marley. Mais je n’ai jamais eu le look de ce que j’écoutais, je ne portais pas un style de vêtements qui aurait pu me distinguer, permettre de me classer. J’avais des prédispositions à pratiquer une science humaine.”
Plus tard, devenu musicien professionnel, il pratiquera… la batterie et les percussions, qu’il commence dès l’âge de 16 ans.
Ses diplômes universitaires nous le laisseraient croire, pourtant Richard n’était pas un fortiche à l’école : il redouble la 5e et manque s’arrêter en 3e. Il poursuit malgré tout et se retrouve en fac dans un cursus de sociologie et d’anthropologie. Il débarque à Lyon pour la rentrée 1991 et va s’installer là où les loyers sont à la mesure de ses moyens : à Vénissieux.
À Lyon 2 où il s’inscrit, il prépare un mémoire sur la sociologie des pratiques musicales et les cultures de l’exil. “J’avais rencontré les musiques extra-européennes à Toulouse, pour avoir joué avec un orchestre berbère dans des fêtes privées.”
Mais ce goût musical remonte même aux années de lycée : “Je zappais sur la radio et, à minuit, je suis tombé sur un musicien pakistanais. J’ai vraiment adoré. J’ai enregistré ensuite toutes les émissions qui traitaient de flûte perse ou de violon indien.”
Un joyeux bordel !
Quand il est venu nous voir, à “Expressions”, Richard arborait un t-shirt à l’effigie du guitariste de jazz Pat Metheny. “Je l’ai découvert en 1996. Il m’a reboosté vers une musique plus harmonique, mélodique, chantée. Je me suis mis à composer. La musique représente toutes les passions humaines : la joie, la mélancolie, la colère… J’étais prédisposé à comprendre tous les styles musicaux, du rap à la musique contemporaine.”
Début 1999, notre musicien sociologue démarre une collaboration avec Sébastien Tron qui se poursuit depuis 2004 au sein du groupe Antiquarks, avec Guillaume Lavergne et Jean-Claver Tchoumi. Ensemble, ils ont eu l’idée d’écrire une nouvelle bande originale au premier film réalisé par Spielberg pour la télévision, “Duel”.
2004 est également l’année où Richard et Sébastien participent au Trioquatre de Laurent Mariusse, enseignant de percussions à l’école de musique de Vénissieux.
Richard évoque par l’humour son travail avec Sébastien : “Il a aussi une formation scientifique, lui en sciences dures et moi, en sciences molles. Le nom Antiquarks vient de la physique quantique. Pour faire exister la matière, il faut l’antimatière. Et le quark ne peut exister sans son antiquark. L’existence des opposés donne une réalité.”
C’est sans doute parce qu’Antiquarks vient de conclure une résidence à la salle Érik-Satie avec le projet Bizarre ! que son directeur Michel Jacques, également programmateur des Fêtes escales, a eu l’idée d’associer le groupe à la grande manifestation d’été. Sous le nom d’Urban Globetrotters, la proposition d’Antiquarks a pour objectif de “rassembler tout le monde y compris les exclus de la culture” et de “mobiliser les jeunes”.
La sociologie comme le ballon a quelque chose en commun : le terrain. Passionné de foot et ancien footballeur, titulaire d’un Bafa et d’une formation d’éducateur sportif, Richard Monségu et son association Coin Coin Productions (qui gère Antiquarks) se sont lancés avec frénésie dans le projet pour “faire sentir aux jeunes qu’ils ne sont pas exclus de tout et valoriser leur potentiel créatif”. À ses côtés, on retrouve Sébastien Tron, Sarah Battegay (une danseuse vénissiane qui est la directrice de Coin Coin Productions) et Mohamed Salem, éducateur sportif qui a travaillé à l’ASM entre 1997 et 2001 et à la direction des sports de la Ville.
Leur projet ouvre de nombreuses perspectives : un terrain de jeu où se croiseront, pendant une quarantaine de minutes, la danse, la musique, le sport, le chant, les graffs (avec des détournements de publicités), etc. Les ateliers démarreront au premier trimestre 2011 : danseuses et danseurs deviendront des pompom girls et boys et les choristes des supporters. Des slogans seront écrits lors d’ateliers d’écriture. Les rappeurs et slameurs prendront le rôle des commentateurs sportifs et des entraîneurs. Sur le terrain, on assistera à ce que Richard appelle des démonstrations de “la beauté du geste” : des jongles avec le ballon, des acrobaties, des chorégraphies spectaculaires et comiques que Mohamed compare aux prouesses des Harlem Globetrotters. “On va s’éclater et ce sera un joyeux bordel.”
Cherchez le musicien et le sociologue refait surface. En travaillant sur ce projet avec ses amis, Richard avait un livre en tête : “Pays de malheur !”, correspondance entre un jeune de cité, Younes Amrani, et un sociologue, Stéphane Beaud. “Pour ce dernier, reprend Richard, il faut transformer ce qui est étranger en familier et ce qui est familier en étranger. Toujours lutter tout le temps.”
Le temps, on se demande d’ailleurs où il le trouve pour être tour à tour et simultanément musicien, compositeur, parolier, éducateur sportif, prof de musique (entre autres à l’ancienne école de musique de Vénissieux, sur la place Sublet, mais aussi à Vienne, à Péage-de-Roussillon et au conservatoire de Lyon), sociologue et anthropologue avec un enseignement donné à Lyon 2, grand lecteur (“Je vois le livre comme un ami qui m’écrit”), etc, etc. “Je ne pense pas la vie en terme de temps mais plus en terme d’espace. Le temps a besoin d’espace, pas le contraire.”
On pourrait croire que ces multiples casquettes ne soient pas sans incidences sur le tour de tête de notre ami. Mais ce serait mal connaître Richard qui veut toujours “transformer cette énergie en recherche concrète”.
À 41 ans, il dit de lui : “Je suis celui qui est entré et ressorti par la petite porte. Pour avoir trop crâné quand j’étais jeune, je vais à présent vers l’humilité. »