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Patrick Crolle : la miniature en grand

Patrick Crolle, un gone du Charréard, a mis son œuvre en train il y a une dizaine d’années. De ses mains, il a patiemment construit le plus grand réseau miniature de France. Étonnante réalisation pour un homme plus habitué à briller avec ses pieds. Dans les années soixante-dix, il évoluait aux côtés des Chiesa et Di Nallo à l’Olympique lyonnais. Vous imaginez un Benzema, un Ribéry ou même un Gourcuff ou un Toulalan, se pencher des heures durant sur des maquettes ! Complètement improbable. Patrick Crolle, lui, a concilié ces deux passions tout au long de sa vie : le modélisme et le foot. Pour le ballon, c’était presque écrit. Le papa était lui-même footballeur professionnel. Patrick l’a suivi à Marseille, Rouen, Le Havre, au gré des contrats. Mais à l’époque le ballon rond ne mettait pas son homme à l’abri pour plusieurs décennies. On retrouve ainsi la famille à Vénissieux, à la fin des années cinquante, dans le quartier du Charréard. Comme des milliers d’hommes de la région, papa Crolle travaille chez Berliet. Il entraîne en parallèle l’USV, qui évolue en division d’honneur. “Les derbys contre le SAL Saint-Priest, c’était quelque chose, se souvient Patrick. Il y avait de très bons joueurs, notamment dans la communauté espagnole du Charréard, de vrais artistes, avec un jeu très technique, rien à voir avec les bêtes à courir qu’on voit aujourd’hui sur les terrains.”
Pour le modélisme, aucune forme d’atavisme. “À 10-12 ans, pour Noël, je faisais déjà des crèches immenses. Pour moi c’est une forme d’expression artistique. Ça ne m’a jamais quitté. À certaines époques j’ai dû lever le pied parce que j’étais très occupé par ailleurs, mais j’en ai toujours fait, au moins un petit peu.” Même dans les années soixante-dix à 73, quand Patrick côtoyait les Chiesa et Di Nallo dans le milieu de terrain de l’Olympique lyonnais. Même entre 1975 et 1985, quand il était entraîneur-joueur de l’équipe fanion de l’AS Saint-Priest, qu’il a fait monter en 3e division. Et même plus tard, quand il avalait les kilomètres pour vendre du prêt-à-porter.
Mais ce n’est qu’à l’approche de la retraite qu’il a pu complètement laisser libre cours à sa passion du modélisme. Il dégote un local dans l’Ain, à Châtillon sur-Chalaronne, bien situé, juste en face des vieilles halles. Ce sera le “Musée du train miniature”. L’endroit dont il rêve depuis tout gosse. Et quand on y entre, on a clairement l’impression de pénétrer dans un rêve de môme. Sur 120 m2, plus d’une trentaine de trains se croisent sur un kilomètre de voie ferrée, dans des décors qui évoquent tour à tour les Alpes, la région lyonnaise et la Provence. Il n’y a pas que des locos et des wagons. Comme dans la vraie vie, il y a aussi des autos, des bus, des camions, des chantiers de construction, de vieux immeubles, d’autres à peine livrés, des zones industrielles, une caserne des pompiers, des parcs, le stade Gerland d’où sortent les clameurs de la foule, une épreuve du Tour de France version années soixante, le restaurant Paul Bocuse sur les bords de Saône, des cégétistes qui s’opposent aux flics pour demander “Plus de travail”, et même, pour les plus attentifs, des travailleuses du sexe dont on peut apprécier la dextérité en jetant un œil à la dérobée, sur les fenêtres faiblement éclairées d’un hôtel de passe.

12 000 à 15 000 visiteurs par an

La durée annoncée de la visite est d’une heure. Mais on peut y rester beaucoup plus longtemps. L’installation regorge de détails, d’évocations, de jeux de mots… “Plus qu’un réseau de trains miniature classique, j’ai voulu faire un spectacle complet. Je veux qu’on y voit la vie dans toute sa diversité.” Et tous les jours ou presque, depuis dix ans, le spectacle évolue, autour de la magnifique réplique au 1/87e de la gare des Brotteaux, la pièce maîtresse, qui a demandé à elle seule plus de mille heures de travail. Chaque année, le Musée du train miniature de Châtillon-sur-Chalaronne accueille entre 12 000 et 15 000 visiteurs. “C’est le plus important du genre en France, assure fièrement Patrick Crolle. Il y a deux autres installations de taille à Rocamadour et à Clécy dans le Calvados, mais d’après ce que les amateurs m’en ont dit ce n’est pas aussi complet ni détaillé qu’ici. Parmi les visiteurs il n’y a pas que des parents qui baladent leurs enfants, nous avons aussi beaucoup de passionnés, qui viennent parfois de Suède, d’Allemagne, de Belgique…”
Faute de place, Patrick a dû mettre un frein à ses rêves miniatures. L’installation ne grandira plus. En revanche elle s’améliore, s’actualise, se modernise. Le prochain grand chantier va consister à construire un quartier moderne s’inspirant de celui de la Part-Dieu. Patrick y réfléchit depuis plusieurs mois déjà. “L’urbanisme, c’est ce qu’il y a de plus dur. On ne dirait pas comme ça, mais imaginer le plan des rues, la forme des immeubles, la place des différents équipements, c’est de loin le plus difficile. Ensuite, quand on a trouvé le bon équilibre, c’est juste du travail manuel.”
De temps à autre, l’ancien footeux renoue avec le ballon rond. Il reprend le chemin de Gerland pour aller supporter l’OL. Mais le cœur n’y est plus vraiment. “J’ai de plus en plus de mal à comprendre le football, déplore Patrick. J’en arrive même à me demander pourquoi les gens continuent à venir au stade. Les entraîneurs de Ligue 1 sont frileux, ils ne prennent pas de risques. L’autre jour je suis allé voir Lyon-Monaco : les gardiens des deux côtés ont dû toucher cinq ballons au maximum ! On s’emmerde et les stades sont pleins. Les mêmes qui manifestent pour le pouvoir d’achat payent des billets excessivement chers pour applaudir des millionnaires qui ne font pas le spectacle. Je ne me reconnais plus dans ce football.”

Musée du train miniature de Châtillon-sur-Chalaronne
Du 15 juin au 15 septembre : ouvert tous les jours sauf le lundi de 10 heures à 12 heures et de 14 h 30 à 19 heures
Le reste de l’année : ouvert le samedi, le dimanche et durant les congés scolaires
Tarifs : 5 euros pour les adultes, 3 euros pour les moins de 12 ans
Tél. : 04 74 55 03 54
www.museedutrainminiature.com

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