Les applaudissements n’ont pas cessé pendant au moins 15 minutes. Menée depuis plusieurs mois par l’Opéra, conjointement avec les pentes de la Croix-Rousse, Vénissieux et Oullins, la seconde étape du projet Kaléidoscope, baptisée “Des Odyssées… à l’Opéra”, a trouvé son aboutissement le 24 juin, avec la première représentation sur la grande scène de l’Opéra de Lyon, suivie d’une autre le lendemain soir. La réussite était au rendez-vous pour plusieurs raisons : encadrés par de nombreux professionnels, nos artistes amateurs (acteurs, musiciens, choristes, danseurs, créateurs d’éléments de décor, etc.) ont travaillé durement pour parvenir à un résultat à la hauteur des attentes de Serge Dorny, le directeur de l’Opéra de Lyon. Et ces amateurs avaient sans doute ce quelque chose que les artistes professionnels perdent : un enthousiasme communicatif. Malgré le stress, on les sentait heureux d’être là, sur cette belle scène. Dans les textes, dans les chants, dans la musique, dans les danses urbaines et les claquettes, le même élan était présent, comme une générosité à partager avec le public cette histoire vieille comme le monde, celle d’un type parti à la guerre pendant dix ans et qui mettra dix autres années à regagner ses pénates, celle du déracinement, de l’exil, du retour chez soi. Autant de thèmes parfaitement inscrits dans l’actualité du XXIe siècle.
La mise en scène de Jean Lacornerie a insufflé à ce véritable opéra contemporain une force supplémentaire, avec l’utilisation du second plan et de cette scène immense au fond de laquelle, sur trois étages, les choristes étaient en mouvement. On pourrait également citer la présence de la vidéo, d’abord pour planter un décor maritime, puis pour éclairer d’un jour plus moderne le texte d’Homère, avec les interviews des protagonistes filmées par Vartan Ohanian.
Dans “Des Odyssées… à l’Opéra”, Ulysse se retrouve dans un pays des merveilles dont Alice pourrait être jalouse. Quelles inventions ! Les Lotophages, les mangeurs de lotus, deviennent une bande de hippies qui chantent “Tout le monde aujourd’hui s’envoie en l’air”, adaptation française du “Ev’rybody Today Is Turning On” de la comédie musicale “I Love My Wife” de Michael Stewart et Cy Coleman, elle-même basée sur une pièce de Luis Rego. Le cyclope parle comme un loubard, les sirènes font référence aux chorégraphies de Busby Berkeley, Circé la magicienne se démultiplie avant de transformer les marins en pourceaux, joués par des enfants en rose, les diables des Enfers se lancent dans une danse effrenée, les marins deviennent des syndicalistes portant des pancartes marquées “Heureux qui communiste”, une peinture se réalise en direct sous l’œil d’une vidéo. Chaque tableau est une bonne surprise, relie le mythe à un style contemporain. Il faudrait encore mentionner les musiques de Richard Dubelski, Nicolas Bianco et Scott Stroman, jouées par l’orchestre de l’Opéra de Lyon, mais aussi par l’orchestre à cordes de l’école de musique de Vénissieux et l’Harmonie de l’école de Vénissieux.
Vénissieux est d’ailleurs très présente sur scène. Ulysse, parce que Polyphème le cyclope l’énerve, lui dit qu’il est venu en scooter de Vénissieux. Des facteurs de Vénissieux sont également de cette aventure et on retrouve des visages connus dans un peu tous les groupes d’acteurs, de chanteurs et de danseurs, sans oublier bien sûr les enfants de la Maîtrise de l’Opéra.
Véritablement, un beau spectacle, qui a enthousiasmé le public.
Derniers commentaires