À quelques centaines de mètres du plateau des Minguettes et du centre de Vénissieux, le Jardin de l’Envol accueille une quinzaine de passionnés de nature. Mais il ne s’agit pas seulement ici de cultiver le goût du maraîchage : chacun peut venir s’y ressourcer, échanger, partager, pour repartir d’un meilleur pied.
Des caquètements de poule, des chants d’oiseaux, ou le discret miaulement d’un chat qui passe par là. Des odeurs de foin, d’herbes, de terre. L’impression que la ville s’accorde une petite pause, rue de la Démocratie, à quelques mètres du tramway, d’un centre de formation et de tours où s’empilent les logements. Comme un îlot paisible au milieu d’une cité presque toujours en mouvement, le Jardin de l’Envol accueille depuis 2004, trois jours par semaine, une poignée de jardiniers passionnés.
L’animation de ce jardin “partagé”, appartenant à la Ville de Vénissieux, a été confiée à l’association “Le passe-jardin”. Il accueille tout au long de l’année, trois matins par semaine, un “noyau dur” d’une quinzaine de passionnés de nature, sur ses 2 500 m2 de terrain, dont 500 sont cultivés.
C’est d’ailleurs ce dont il est question, en ce premier mardi de printemps : comment seront organisées les parcelles cultivables ? Quels fruits, quels légumes ? “Chaque mardi, nous nous réunissons pour prévoir un programme pour la semaine, explique Silvie Minot, animatrice. En ce début de printemps, il s’agit de redonner vie au jardin, c’est un peu plus de travail.” La dizaine de jardiniers présents passera une heure à débattre du plan de culture, avant de prendre râteau, binette, débroussailleuse, pour “passer aux choses sérieuses”. “La période de l’hiver n’est pas la plus marrante, note en souriant Silvie. On passe beaucoup de temps à préparer les outils. Maintenant que les beaux jours reviennent, tout le monde a hâte de retravailler la terre.”
À peine sorti du local de réunion, le petit groupe s’affaire déjà. Au Jardin de l’Envol, on ne se contente pas de faire pousser des légumes et des fleurs, on y sème aussi des espoirs de lendemains meilleurs. “C’est une dimension très importante. Ici, chacun vient avec une histoire personnelle, qu’on est libre de partager avec les autres, reprend Silvie. Des liens se tissent très vite. Le Jardin permet d’avoir un objectif commun.”
“La satisfaction du travail accompli”
Aujourd’hui affairé à débroussailler, Éric se rend au Jardin depuis trois ans. En raison de problèmes de santé, il ne peut travailler de manière salariée. “Je touche l’allocation adulte handicapé, explique-t-il. Venir ici, cela me permet de m’occuper, d’avoir une vie sociale, de rencontrer du monde. Je vis en appartement, alors forcément, je m’y ennuie vite. Les trois jours au Jardin de l’Envol me permettent d’avoir un emploi du temps bien rempli, avec mes autres occupations. J’apprécie particulièrement les moments d’échange avec les étudiants, par exemple ceux de l’Institut Bioforce qui viennent souvent nous rendre visite. Moi qui ai fait quelques années à l’université, ça me rappelle ce temps-là ! Et puis, en fin de semaine, il y a la satisfaction de la récolte. On ne fait pas tout ça pour rien !”
Un peu plus loin, Myriam, surnommée “Mimi” par toute l’équipe, coupe quelques herbes. “Mimi” est une véritable figure des lieux. En effet, elle a assisté – et participé – à la naissance du Jardin de l’Envol, en juin 2004. “Au début, il n’y avait rien, se souvient-elle. La terre était à peine retournée, nous n’avions même pas l’eau, il fallait l’apporter avec un arrosoir. Avec Gersivan Perreira, l’ancien animateur, nous n’y connaissions rien, nous avons dû prendre des livres à la médiathèque et consulter des pages internet. Et puis petit à petit, l’équipe s’est étoffée, nous avons rencontré du monde, participé à des événements. Chaque année, la municipalité a fait des petits travaux qui nous facilitent bien la vie. Quand je vois ce que ce jardin est devenu, je suis très fière.” En invalidité, cette Vénissiane repense à son enfance lorsqu’elle se rend, trois fois par semaine, rue de la Démocratie. “Quand j’étais petite, on avait un jardin, et on s’en occupait. Cultiver ses propres légumes, c’est autre chose. Ils ont une saveur différente, meilleure, plus juteuse. C’est la vraie récompense du travail accompli.”
La satisfaction du devoir accompli, c’est ce qui motive également cette autre jardinière, habitante du centre de Vénissieux. “Ici, il y a un vrai plan de culture, assure-t-elle. D’une année à l’autre, nous faisons attention à ce que nous mettons en terre.” Le Jardin de l’Envol, elle l’a découvert il y a 5 ou 6 ans, par l’intermédiaire de la MJC. Elle travaillait alors à mi-temps, et participait à un autre type de jardin partagé. “L’idée était que plusieurs personnes se regroupent pour salarier un jardinier la semaine. Le dimanche, nous nous rendions au jardin pour lui servir de main-d’œuvre. Quand j’ai entendu parler de cet endroit à Vénissieux, bien sûr, j’ai foncé !” Actuellement en recherche d’emploi, elle est persuadée que le Jardin de l’Envol a encore de nombreuses années devant lui. “Ce concept a un bel avenir. Les habitants en parlent entre eux, nous recevons des écoles, donc les enfants en discutent ensuite avec leurs parents, qui peuvent venir nous voir. Les gens vont redécouvrir le plaisir de manger ce qu’ils ont eux-mêmes fait pousser.”
Passe-jardin : 04 78 00 22 59
[nggallery id=13]